Réunion spirituelle

Le don de l’incertitude

9 juillet 2019

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Dans cette vie, nous ne savons que partiellement et, en fait, plus j’apprends, plus je vois que je ne sais pas. Mais je crois aussi que Dieu nous connaît parfaitement et que, dans notre incertitude, nous pouvons accepter l’amour de Dieu pour nous comme certain et constant.

Nous sommes toujours prêts à améliorer nos traductions. Si vous avez des suggestions, écrivez-nous à speeches.fra@byu.edu.

Il m’a fallu beaucoup de temps pour écrire ce discours pour cette réunion spirituelle. Parfois, lorsque j’ai l’occasion de faire un discours ou de donner une leçon, je sais immédiatement de quoi je veux parler. C’est ce qui s’est passé il y a quelques mois dans ma paroisse. L’évêque a frappé à ma porte et m’a demandé si j’accepterais de parler le dimanche suivant, et j’ai immédiatement su de quoi je voulais parler. Lorsque je me suis assise pour écrire ce discours, j’ai eu l’impression qu’il s’était écrit tout seul.

Cette réunion spirituelle était très différente. Dès le moment où l’on m’a demandé de prendre la parole, j’ai été en proie à l’incertitude quant à ce que je devais dire. Deux mois plus tard, j’avais écrit et jeté des pages et des pages de brouillons et de pensées à moitié formées. Je ne savais pas ce que le Seigneur voulait que je vous dise aujourd’hui. Je ne savais pas ce que je voulais vous dire aujourd’hui.

C’est ainsi que, finalement, une semaine avant de devoir soumettre le texte de mon discours, j’ai accepté que, peut-être, ce dont je devais parler aujourd’hui était l’idée de ne pas savoir.

Il est peut-être étrange de dire cela, étant donné que j’ai grandi dans une église qui encourage ses membres, dès leur plus jeune âge, à dire les mots « je sais », mais la chose dont je suis la plus certaine dans cette vie, c’est que nous ne savons pas tout. En fait, à l’échelle de toute vérité, il est tout à fait possible que, statistiquement parlant, nous ne sachions rien. Je veux dire par là que, parce que Dieu et la vérité sont si vastes et si grands, nos connaissances sont si petites en comparaison qu’elles en deviennent inexistantes. Donc aujourd’hui, je voudrais parler de cette idée de ne pas savoir et de trouver Dieu dans notre incertitude.

Je tiens à ajouter cette mise en garde : je parle à partir de ma propre perception et de ma propre expérience. Dans son épître aux Corinthiens, Paul parle des dons spirituels : les dons de sagesse, de connaissance, de foi et de guérison1. Je dois avouer ouvertement que je n’ai probablement pas reçu le don de connaissance. À certains moments de ma vie, j’ai eu la foi et j’ai eu de l’espoir, mais, en général, mes connaissances ont souvent été un peu fragiles. Cependant, j’en suis venu à croire que l’incertitude peut être un don au même titre que la connaissance, et c’est donc dans cet esprit d’incertitude que je m’adresserai à vous aujourd’hui.

J’aimerais aborder plusieurs aspects du fait de ne pas savoir. J’espère que vous trouverez dans au moins l’un d’entre eux quelque chose d’utile ou de précieux pour vivre votre vie, suivre des études, développer votre témoignage, nouer des relations et aller dans le monde pour faire tout ce que vous ferez sur cette terre.

Il existe différentes façons de savoir

Tout d’abord, je pense qu’il est utile de parler un peu de la connaissance elle-même. Nous utilisons l’expression « je sais » de nombreuses façons, mais elles ne sont pas toutes identiques. Considérez les affirmations suivantes :

1. Je sais que 2 + 3 = 5.

2. Je sais que par temps clair, le ciel est bleu.

3. Je sais que j’aime mes parents.

Toutes ces affirmations utilisent l’expression « je sais », mais la manière de savoir chacune de ces choses n’est pas la même. Prenons la première affirmation. En tant que professeur de mathématiques, elle est facile à comprendre pour moi. Si je prends deux objets distincts, par exemple des M&M’s, et que je les combine avec trois autres M&M’s, j’obtiendrai cinq M&M’s. Bien que j’en sois venu à reconnaître que la vérité en mathématiques est bien plus complexe que nous ne l’imaginons habituellement, il est néanmoins très difficile de contester l’affirmation que 2 + 3 = 5.

Mais considérons maintenant la deuxième affirmation : le ciel est bleu. À première vue, cette affirmation semble tout aussi incontestable. Je pense que vous serez tous d’accord avec moi pour dire que par temps clair, le ciel est bleu. Mais je ne sais pas si, lorsque nous regardons le ciel, nous voyons tous la même chose. Et si une personne est totalement incapable de voir le ciel, que signifie alors le fait qu’il soit bleu ? Scientifiquement, nous pouvons parler de lumière et de longueurs d’onde, mais cela ne reflète pas mon expérience de la vision du bleu. En fait, j’ai récemment appris que les langues anciennes n’avaient pas de mot pour désigner le bleu et qu’en l’absence de mot pour décrire la couleur, les personnes qui parlaient ces langues étaient peut-être incapables de voir la couleur bleue. Pour explorer cette possibilité, le chercheur Guy Deutscher a décidé de faire ce que d’innombrables chercheurs ont fait : il a expérimenté sur son propre enfant. Lorsque sa fille était très jeune, il prenait soin de ne jamais lui décrire la couleur du ciel. Un jour, il lui a demandé de lever les yeux et de décrire la couleur, mais elle n’avait aucune idée de la façon de le faire. Au début, le ciel ne correspondait à aucune idée de couleur pour elle2.

Cela complique la véracité de mon affirmation que le ciel est bleu.

Lorsque je considère la troisième affirmation, à savoir que je sais que j’aime mes parents, je dois admettre qu’il n’existe aucun moyen objectif de mesurer cela. En fait, j’ai échoué de manière embarrassante à quelques mesures simples d’amour. L’année dernière, lorsque mon père m’a appelé pour son anniversaire, je ne lui ai même pas dit joyeux anniversaire ! Pourtant, je peux dire que je sais à cent pour cent que j’aime mes parents, et je crois sincèrement qu’ils le savent aussi. C’est juste une connaissance différente de celle qui consiste à savoir que 2 + 3 = 5.

Quand il s’agit des affaires liées à l’Esprit, nous entendons souvent les mots « je sais » :

  • Je sais que l’Église est vraie.
  • Je sais que Jésus m’aime.
  • Je sais que l’obéissance apporte des bénédictions.

Je pense que nous supposons parfois que tout « je sais » doit signifier « je sais » de la même manière que je sais que 2 + 3 = 5. Mais nous ne pouvons pas savoir ces choses de la même manière, parce qu’il s’agit de différents types de vérités et qu’elles nous sont accessibles de différentes manières. Je pense que ce que nous voulons généralement dire, c’est que nous avons la même assurance en ces choses. Même dans ce cas, certains d’entre nous le sont et d’autres non. Nous n’avons pas tous reçu le don de la connaissance.

Je crois qu’il est important de comprendre le type de connaissance que nous devrions rechercher. Savoir que 2 + 3 = 5 est relativement acquis, mais la connaissance de la couleur du ciel naît de notre expérience du ciel. Non seulement la couleur du ciel change constamment, mais, au fur et à mesure que nous acquérons de l’expérience, notre capacité à décrire ce que nous voyons et même notre capacité à voir peuvent changer et se développer ; tout comme notre capacité à connaître Dieu peut changer et se développer tout au long de notre vie. Si je suppose que connaître Dieu revient à savoir que 2 + 3 = 5 et que je fais l’expérience d’une chose qui entre en conflit avec ma compréhension, je dois retourner à la case départ avec toute l’arithmétique. Mais si la connaissance de Dieu est plus proche de la connaissance de la couleur du ciel, les conflits apparents avec ma compréhension actuelle ont le potentiel d’élargir ma vision plutôt que de l’ébranler.

La connaissance des choses spirituelles se manifeste également dans la manière dont cette connaissance oriente nos actions. Il est beaucoup moins important que je sache que j’aime mes parents que de leur montrer cet amour et de continuer à essayer même si mes expressions sont imparfaites. Savoir que l’Église est vraie, que Dieu vit ou que Jésus nous aime est moins important que ce que notre foi et notre espérance nous poussent à faire. La connaissance de l’amour de Dieu est importante, mais la façon dont je prends cet amour et le laisse me changer et changer le monde autour de moi, même si mes efforts sont imparfaits, est bien plus importante.

La connaissance complète et certaine peut également être limitative et, très honnêtement, peu intéressante. Une connaissance vivante qui change, se développe, s’adapte et nous incite à agir est une connaissance qui accepte les états d’incertitude et de non-savoir. Ces états nous conduisent au changement et à la croissance. En fait, en tant qu’êtres humains, nous avons tendance à passer rapidement de faits simples comme 2 + 3 = 5 à des questions complexes sur ce que nous pouvons faire avec ces faits, puis à des questions qui poussent notre compréhension au-delà de ses limites apparentes. Les mathématiques sont bien plus vastes et bien plus ouvertes que 2 + 3 = 5, tout comme Dieu est bien plus grand que nous ne l’imaginons.

Nous nous trompons parfois sur ce que nous savons

Je voudrais maintenant prendre une autre direction et aborder un autre aspect de ne pas savoir. Je voudrais commencer par une histoire.

Un jour, alors que je travaillais sur ce discours dévotionnel à la maison, ma fille de quatre ans jouait sur le canapé à côté de moi. Notre chien Jin aboyait à la porte arrière, voulant entrer dans la maison.

 « Peux-tu laisser entrer Jin ? » ai-je demandé à ma fille. Parce qu’après tout, à quoi servent les enfants si ce n’est à faire les petites tâches que l’on n’a pas envie de faire soi-même ?

Mais au lieu de sauter joyeusement pour aider, ma fille m’a dit : « Jin n’a pas aboyé ».

 « Je viens de l’entendre », lui ai-je dit.

 « Jin n’est pas dehors », a-t-elle répondu.

« Eh bien », dis-je, « je suis en train de regarder la porte et je le vois debout dehors ».

« Il n’est pas dehors », insiste-t-elle.

Comme je travaillais sur un discours sur la connaissance, j’ai décidé de faire l’expérience « d’expérimenter sur vos propres enfants » et j’ai demandé : « Sais-tu que Jin n’est pas dehors ? »

Avec beaucoup d’assurance, elle m’a regardé et m’a dit : « Je sais que Jin n’est pas dehors. »

C’est alors que je me suis levée pour faire entrer notre chien et que ma fille s’est exclamée : « Oh, maman, Jin était dehors ! ».

Sa surprise apparente et sincère m’a convaincu qu’elle n’avait pas menti lorsque, face aux preuves visuelles et auditives, elle m’avait informé que notre chien n’était pas réellement dehors en train d’aboyer pour qu’on le laisse entrer. Je crois qu’elle savait vraiment que le chien n’était pas dehors parce qu’elle voulait qu’il ne le soit pas. Il aurait été gênant pour elle qu’il soit dehors parce qu’elle aurait dû arrêter de jouer et aller le laisser entrer.

C’est une petite anecdote amusante lorsqu’il s’agit de ma petite fille déterminée et têtue, mais c’est ce que nous faisons tout le temps. Lorsque nous savons quelque chose, nous avons tendance à nous accrocher à cette connaissance aussi fermement que possible, même lorsque nous nous trompons. En général, nous ne nous rendons pas compte de ce que nous faisons. Bien sûr que non, parce que nous savons !

Notre esprit est fait pour donner un sens au monde qui nous entoure, pour catégoriser, pour évaluer et pour mettre nos expériences et nos observations dans des cases simples. La capacité à créer de l’ordre et de l’organisation à partir du chaos qui nous entoure est incroyablement importante pour notre survie et notre bien-être. Mais cette capacité humaine bien développée a pour conséquence que nous pensons tous savoir et comprendre beaucoup plus qu’en réalité.

L’une de mes histoires préférées de l’histoire des mathématiques est celle du postulat parallèle. Vers 300 avant J.-C., Euclide d’Alexandrie a écrit un livre intitulé « Les éléments » dans lequel il a essentiellement construit la géométrie sur la base de cinq postulats ou affirmations qui sont acceptées comme des vérités sans nécessiter de raisonnement ou d’argumentation supplémentaire. Quatre de ses cinq postulats sont assez simples. L’un d’entre eux, par exemple, stipule qu’à partir de deux points donnés, on peut tracer une ligne droite reliant ces deux points. Mais le cinquième postulat a donné du fil à retordre aux mathématiciens au cours des deux derniers millénaires. Ce postulat se lit comme suit :

Si une ligne droite tombant [s]ur deux autres lignes droites, fait les angles intérieurs d’un même côté plus petits que deux droits, [ces] deux lignes étan[t]s continuées à l’infin[i], [s]e rencontreront du côté où les angles [s]ont plus petits que deux droits3.

C’est verbeux, mais ce postulat nous permet de croire certaines choses sur les lignes parallèles, ou les lignes qui ne se croisent jamais, qui semblent intuitivement devoir être vraies sur les lignes parallèles.

Le problème est que les mathématiciens n’étaient pas convaincus que ce concept était concluant. Le cinquième postulat semblait être une idée sur l’espace géométrique qui devait être argumentée, plutôt qu’une conclusion qui pouvait être avancée sans argument. Pendant des siècles, les mathématiciens ont tenté de trouver un moyen d’argumenter en utilisant uniquement les quatre premiers postulats et peut-être un nouveau postulat plus évident.

Giovanni Girolamo Saccheri a travaillé sur ce problème au début du XVIIIe siècle. Il s’est attaqué au problème en utilisant des quadrilatères et pensait avoir réussi. Dans sa Proposition XXXIII, il affirme qu’un contre-résultat particulier serait « contraire à la nature de la ligne droite4 ». En fait, Saccheri savait ce qu’une ligne droite devait faire et savait ce que les lignes parallèles devaient faire. En fin de compte, son argument en faveur de la vérité du postulat sur les parallèles reposait sur le fait que, sans ce postulat, les lignes droites finissaient par se comporter d’une manière qui « répugnait » à leur nature.

Mais un siècle plus tard et plus de deux mille ans après qu’Euclide a écrit son livre Les éléments, une poignée de mathématiciens a finalement posé la question suivante : « Et si nous nous trompions sur la nature des lignes droites ? Et si, dans certains espaces, les lignes se comportent d’une certaine manière, mais que dans d’autres espaces, elles se comportent d’une manière complètement différente ? »

En abandonnant leurs connaissances, ils ont découvert quelque chose de fascinant : s’ils reconsidéraient le fonctionnement des lignes parallèles, la géométrie ne s’effondrait pas. En fait, en modifiant cette seule condition, ils ont réussi à créer ou peut-être à découvrir une géométrie étrange, nouvelle et merveilleuse que nous appelons aujourd’hui la géométrie hyperbolique, qui est tout aussi valable mathématiquement que la géométrie euclidienne que vous avez apprise au lycée, bien qu’elle soit beaucoup plus difficile à appréhender pour les humains.

Les mathématiques, lorsqu’on y consacre du temps, ont une beauté particulière qui n’est pas toujours bien transmise dans nos expériences scolaires. La géométrie hyperbolique a sa propre beauté, à la fois mathématique et visuelle. Mais pour ouvrir la porte à cette beauté, les humains ont dû admettre que ce qu’ils pensaient savoir pouvait en fait être erroné.

Je pense qu’il est important pour nous de remettre en question ce que nous pensons savoir et de nous ouvrir à l’idée que nous pourrions avoir tort, même (et peut-être surtout) lorsque cela nous dérange ou nous met mal à l’aise. Je pourrais me poser certaines des questions suivantes :

  • Suis-je certaine de comprendre réellement le cœur et les intentions d’une autre personne, ou se pourrait-il que mes propres expériences me rendent difficile la compréhension de son point de vue ?
  • Lorsque je ne suis pas d’accord avec quelqu’un, suis-je certaine d’avoir raison et qu’il a tort, ou ai-je des angles morts ?
  • Pourrais-je apprendre du point de vue de quelqu’un d’autre ?
  • Lorsque la façon de parler, d’agir, de penser, d’adorer, etc. d’une autre personne ne m’est pas familière, suis-je certaine que mon malaise est un manque de l’Esprit, ou n’ai-je tout simplement pas encore apprise à voir Dieu dans ce contexte particulier ?
  • Suis-je certaine de bien comprendre un principe ou un commandement particulier de l’Évangile, ou pourrais-je apprendre quelque chose en posant des questions ou en écoutant les expériences d’une autre personne ?

Accepter que nous ne sachions pas ce que nous pensons savoir ne signifie pas que nous devons abandonner toute certitude ou conviction. Au contraire, l’ouverture à l’erreur peut être une humble position de foi dans laquelle l’espérance « des choses qui ne sont pas vues5 » peut s’épanouir, car nous nous permettons d’accepter qu’il y a des choses que nous ne voyons pas.

Le Dieu des objets perdus ne répond pas à toutes les questions

Enfin, il serait facile pour moi de présenter le sujet de l’incertitude comme une « incertitude jusqu’à », en pensant que le fait de ne pas savoir n’est qu’une étape dans le processus de savoir. Mais si nous pouvons acquérir une meilleure compréhension tout au long de notre vie, il n’y a pas non plus de fin au fait de ne pas savoir dans la mortalité. En fait, il y aura de nombreux moments dans notre vie où les réponses ne viendront pas et où ne pas savoir sera un état qui semble être permanent.

L’une des choses que j’ai toujours aimées dans l’Évangile est la promesse de réponses et d’assurance à ceux qui cherchent avec diligence. On pourrait dire que l’histoire de notre Église dans les derniers temps commence avec Jacques 1:5 : « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il l’a demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. » J’ai connu des moments dans ma vie où j’ai senti que des conseils et des réponses me parvenaient du ciel. Lorsque nous avons faim et soif de réponses, nous pouvons en venir à voir que tout l’objectif de l’Évangile est de fournir des réponses, et nous pouvons négliger le mystère de Dieu et l’importance des questions.

Quand j’étais jeune, je croyais au Dieu des objets perdus. J’ai plusieurs souvenirs de prières franches à Père céleste pour que nous trouvions ce dernier livre de bibliothèque, celui qui devait être rendu aujourd’hui, parce que nous ne pouvions pas aller à la bibliothèque tant que nous n’avions pas trouvé tous les livres, et que j’étais sûre d’avoir littéralement cherché partout. Rétrospectivement, il est facile de considérer les faibles enjeux de la situation et de voir de la sottise dans mes franches supplications. Il est facile d’expliquer que le livre a toujours fini par être retrouvé. Pourtant, j’ai vécu une petite poignée d’expériences spécifiques au cours desquelles j’ai eu le sentiment qu’une prière sans importance avait été exaucée d’une manière que j’avais du mal à expliquer. Il n’y a pas longtemps, j’ai vu mon jeune fils en faire lui-même l’expérience pour la première fois lorsque, après sa simple prière, nous avons immédiatement retrouvé les clés que nous cherchions depuis des jours. Je ne sais pas s’il s’agit de réponses à des prières, mais lorsqu’elles se sont produites, j’ai eu l’impression que Dieu me tendait la main avec amour.

Une difficulté à laquelle la plupart d’entre nous sommes confrontés lorsque nous passons de la foi de l’enfance à celle de l’âge adulte est la question de savoir pourquoi Dieu répondrait à une prière pour des clés perdues mais ne répondrait pas à des prières bien plus importantes : des prières concernant les grandes décisions de la vie, des prières pour des réponses à des questions déroutantes, des prières pour la guérison et le rétablissement d’une terrible maladie, ou des prières pour la paix dans un monde assailli par les tragédies.

Malgré cela, je continue à croire personnellement en un Dieu des objets perdus. Je crois que Dieu répond parfois à ces prières non pas en dépit de leur inconséquence, mais à cause d’elles. Je crois qu’une réponse à une prière concernant des clés perdues peut être un message d’amour de nos Parents Célestes, qui savent que lorsqu’il s’agit de questions plus importantes, nous avons du mal à voir leurs mains dans nos vies. Cette vie n’est pas le moment où nous recevons toutes les réponses, ni le moment où tout s’arrange. Parfois, Dieu nous révèle sa volonté, mais bien souvent, nous devons avancer dans l’incertitude.

Cette période de votre vie est une période de prise de décision. Je sais par expérience et grâce à mon travail de conseillère pédagogique que cela peut parfois sembler insurmontable. Quand j’avais entre vingt-cinq et trente ans, je me souviens avoir passé en revue la décennie précédente et m’être rendu compte que j’avais pris une décision majeure, qui avait changé ma vie, chaque année de cette décennie. C’était épuisant. Le rythme des prises de décisions majeures s’est ralenti pour moi, mais il ne s’est pas arrêté. Il s’avère que la prise de décisions susceptibles de changer la vie fait partie de l’âge adulte.

Le rôle que Dieu joue dans la prise de ces décisions n’est cependant pas toujours constant. Parfois, vous saurez par vous-même ce que vous voulez faire, et Dieu sera là pour jouer un rôle de soutien. C’est ce que j’ai ressenti concernant ma décision de venir à BYU pour mes études de premier cycle. Je n’ai pas eu de grande révélation ; c’était simplement l’endroit où je voulais venir. À d’autres moments, vous pouvez sentir que Dieu vous conduit dans une direction très spécifique, peut-être même dans une direction que vous n’auriez pas choisie vous-même. Lorsque je réfléchissais au choix de mon programme de doctorat, je savais où je voulais aller, mais j’ai vécu plusieurs expériences spirituelles puissantes qui m’ont conduite dans une autre direction. Aujourd’hui encore, j’ai la certitude que, malgré les difficultés, c’est exactement là que je devais aller pendant ces cinq années.

Mais à d’autres moments, vous n’aurez pas de certitude. Vous ne serez pas certain de ce que Dieu veut que vous fassiez et vous ne serez pas certain de ce que vous voulez faire. Lorsque j’ai terminé mon doctorat, je me suis sentie perdue dans ces deux domaines. Je pensais que onze années d’études supérieures auraient dû me donner une idée claire de ce que je voulais faire quand je serais grande, mais au lieu de cela, ces eaux me semblaient plus boueuses qu’elles ne l’avaient jamais été. Je pensais qu’à ce stade de ma vie, j’aurais dû être plus confiante dans ma capacité à entendre et à connaître la volonté du Seigneur, mais à ce moment-là, il me semblait que les cieux étaient silencieux.

À ce moment-là, la seule chose que je pouvais faire était d’aller de l’avant. Je voulais avancer sur la bonne voie, mais la seule chose que je pouvais faire était d’avancer sur une voie. Je voulais savoir que tout irait pour le mieux, mais ce n’était pas quelque chose que je pouvais savoir. Accepter l’incertitude est difficile, mais à certains moments de notre vie, c’est la seule chose que nous puissions faire.

Dieu peut transformer nos pierres en lumière

J’aime depuis longtemps l’histoire du frère de Jared. Il a reçu de nombreux conseils du Seigneur alors que lui, sa famille et ses amis étaient conduits vers la terre promise. Mais la partie de l’histoire que j’aime le plus est celle où le Seigneur lui a fait répondre à sa propre question. Le frère de Jared avait suivi les instructions du Seigneur pour construire des barques, mais il y avait un problème. Les bateaux étaient scellés et sans fenêtre ; par conséquent, il n’y avait pas de lumière à l’intérieur des bateaux. Lorsque le frère de Jared s’adressa au Seigneur, il semblait attendre une réponse :

Ô Seigneur, voici, j’ai fait ce que tu m’as commandé ; et j’ai préparé les bateaux pour mon peuple, et voici, il n’y a pas de lumière en eux. Voici, ô Seigneur, souffriras-tu que nous traversions cette grande eau dans les ténèbres6 ?

Mais au lieu de fournir une solution au frère de Jared, le Seigneur lui a dit ce qu’il savait probablement déjà : on ne peut pas faire de fenêtres et on ne peut pas avoir de feu7. Puis le Seigneur s’est retourné vers le frère de Jared et lui a demandé : « Qu’en penses-tu8 ? »

La plupart du temps, lorsque je ne sais vraiment pas quoi faire, je préférerais que Dieu me dise quoi faire, parce que je suis presque sûr que je pourrais faire un gâchis et que Dieu pourrait m’empêcher de faire un gâchis. Lorsque nous sommes livrés à nous-mêmes — comme c’est si souvent le cas — et lorsque nous devons aller de l’avant face à l’incertitude — comme c’est si souvent le cas — nous finirons tous par prendre une décision que nous regrettons, blesser quelqu’un que nous voulions aider, suivre un chemin qui mène à une impasse, ou nous retrouver au mauvais endroit au mauvais moment.

Le frère de Jared réfléchit à la question du Seigneur et décida de produire seize pierres à partir de roche fondue pour que le Seigneur les touche afin qu’elles brillent :

Ne sois pas en colère contre ton serviteur à cause de sa faiblesse […] ; néanmoins, ô Seigneur, tu nous as donné le commandement de t’invoquer, afin de recevoir de toi selon notre désir9.

Et le Seigneur exauça le désir du frère de Jared et tendit la main pour toucher les pierres et les fit briller10.

En acceptant les incertitudes de la vie et en allant de l’avant tout en sachant que tout ne se passera peut-être pas comme nous l’aurions espéré ou souhaité, nous créons nos propres pierres que le Seigneur peut toucher et transformer en lumière. Peut-être que quelque chose de bon se produira lorsque nous avancerons dans l’obscurité. Peut-être que quelque chose de mauvais se produira. Il est probable qu’il y aura un peu des deux. Mais Dieu peut toucher toutes ces pierres. Si nous prenons notre décision et l’offrons au Seigneur, il peut transformer toutes nos pierres en lumière. Il peut nous donner des occasions de faire le bien, de nouer des relations, de trouver la foi, de changer et de grandir, même avec les pierres les plus dures que nous lui offrons.

En tant qu’enseignante, j’ai passé beaucoup de temps à planifier soigneusement mes cours. Je formule des objectifs d’apprentissage, puis je crée des devoirs, des activités et des questions de discussion visant à atteindre ces objectifs d’apprentissage. J’essaie d’anticiper le raisonnement des élèves et de déterminer comment y répondre. Mais mes meilleures leçons sont souvent celles qui font appel à un élément d’incertitude, des leçons dans lesquelles je ne sais pas exactement ce que les élèves vont dire ou comment ils vont aborder un problème particulier – et ils ne le savent pas non plus. Et les leçons vraiment transcendantes – celles après lesquelles je rentre à la maison et ne peux m’empêcher de raconter à mon mari la chose étonnante qui s’est produite en classe – sont toujours celles où il s’est passé quelque chose que je ne pouvais pas prévoir ou planifier. C’est à la pointe de l’incertitude que la véritable magie opère. En tant que Maître pédagogue, Dieu permet certainement cette incertitude dans ses plans de cours pour nos vies. Et c’est lorsque nous abandonnons notre besoin de connaissance et de certitude que Dieu peut entrer dans nos vies dans son étendue et accomplir de véritables miracles.

Dieu est plus grand que ce que nous pouvons connaître, mais Dieu nous connaît

Il y a quelques semaines, mon mari et moi sommes allés à Boston. Il y a beaucoup de belles et vieilles églises à Boston, et le dimanche matin, nous avons décidé de profiter de l’occasion et d’assister à un service religieux dans l’Old South Church au centre-ville.

Le service, les rituels et la musique ne m’étaient pas familiers. Sortir de ce qui m’était familier m’a aidé à prêter une attention différente de celle que j’accorde habituellement lors de mes expériences dominicales à l’église. Un cantique m’a particulièrement frappé par son caractère proche de celui d’un psaume. Il s’ouvre sur une expression d’incertitude : « Ô Dieu, mon Dieu, ô Dieu de grâce, pourquoi sembles-tu si loin de moi11 ? » Et tandis que nous chantions les quatre versets, je me suis surprise à attendre un tournant qui n’est jamais venu, m’attendant à ce que le cantique se termine par quelque chose du genre « Dieu, tu peux te sentir loin de moi, mais je sais que tu es là ». Au lieu de cela, chaque verset continuait à poser des questions. Pourquoi y a-t-il de la douleur et de la souffrance dans le monde ? Dieu est-il là et se soucie-t-il de nous ? Il n’y avait pas de résolution, seulement des questions, et pendant des jours, je n’ai cessé de penser à ce cantique.

Malgré toutes les écritures et les discours existants sur la certitude et la connaissance, nous pouvons manquer le mystère et l’émerveillement qui viennent aux limites de notre certitude, les moments où nous ne savons pas. Néphi a confessé : « Je sais que [Dieu] aime ses enfants ; néanmoins, je ne connais pas la signification de tout12. » Alma nous rappelle que « la foi, ce n’est pas avoir la connaissance parfaite des choses13 » et qu’« il y a beaucoup de mystères qui sont gardés, de sorte que personne ne les connaît, si ce n’est Dieu lui-même14 ». Jacob a exprimé cet émerveillement devant le mystère de Dieu :

Voici, grandes et merveilleuses sont les œuvres du Seigneur. Comme elles sont insondables, les profondeurs de ses mystères, et il est impossible que l’homme découvre toutes ses voies15.

Pour moi, c’est un beau mystère de ne pas pouvoir pleinement comprendre Dieu mais que, néanmoins, dans ma propre incompréhension, je puisse sentir que j’ai une certaine compréhension de l’amour infini de Dieu pour moi. Je ne suis pas toujours à l’aise avec l’incertitude, mais je reconnais maintenant que la certitude peut être une contrainte. Lorsque nous sommes capables de faire de la place à l’incertitude dans notre vie et à la possibilité de choses qui dépassent notre compréhension, nous pouvons nous rapprocher de notre Dieu, qui nous connaît intimement, même si notre état humain nous empêche de le connaître pleinement. Comme l’a si bien dit Paul : « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu16. »

Dans cette vie, nous ne savons que partiellement et, en fait, plus j’apprends, plus je vois que je ne sais pas. Mais je crois aussi que Dieu nous connaît parfaitement et que, dans notre incertitude, nous pouvons accepter l’amour de Dieu pour nous comme certain et constant. Nous ne savons peut-être pas comment Dieu transformera nos pierres en lumière, mais nous pouvons espérer que Dieu va transformer nos pierres en lumière.

Je dis ces choses au nom de Jésus-Christ. Amen.

Brigham Young University. Tous droits réservés.

Notes

1. Voir 1 Corinthiens 12:8-10.

2. Voir Jad Abumrad, Robert Krulwich et Tim Howard, « Why Isn’t the Sky Blue ? » Radiolab, 21 mai 2012, produit par Tim Howard et WNYC Studios, 14:23-17:10, wnycstudios.org/story/211213-sky-isnt-blue.

3. Euclides. Les Quinze Livres Des Eléments d’Euclide : Plus le livre des Donnez du même Euclide. Lucas, 1676, p. 26.

4. Giovanni Girolamo Saccheri, Euclid Freed of Every Flaw (1733) ; cité dans Katz, History of Mathematics, p. 693.

5. Alma 32:21.

6. Éther 2:22.

7. Voir Éther 2:23.

8. Voir Éther 2:25.

9. Éther 3:2.

10. Voir Éther 3:6 ; voir aussi Éther 6:2-3.

11. John Bell, « O God, My God », cantique de la communauté d’Iona, 1988, dans Arthur G. Clyde, ed. The New Century Hymnal (Cleveland : Pilgrim Press, 1995), no. 515.

12. 1 Néphi 11:17.

13. Alma 32:21.

14. Alma 40:3.

15. Jacob 4:8.

16. 1 Corinthiens 13:12.

Amy Tanner

Amy Tanner, professeure associée en enseignement des mathématiques à BYU, a prononcé ce discours lors d’une réunion spirituelle le 9 juillet 2019.