Les âmes ont une grande valeur
Professeur adjoint d'anglais et coordinateur du programme d'études américaines à BYU
6 août 2013
Professeur adjoint d'anglais et coordinateur du programme d'études américaines à BYU
6 août 2013
C’est mon témoignage que Dieu est amour, que l’Évangile de Jésus-Christ est un Évangile d’amour, et qu’être un vrai disciple exige que l’on partage cet amour avec tous les gens. J’espère que nous serons capables de reconnaître et de rejeter ces faux systèmes de valeurs qui rabaissent et divisent, et d’embrasser plutôt l’amour propre au véritable disciple.
Nous sommes toujours prêts à améliorer nos traductions. Si vous avez des suggestions, écrivez-nous à speeches.fra@byu.edu.
Bonjour, chers amis. Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion de voyager en Italie pour la première fois. Pendant mon séjour, j’ai vu des œuvres d’art créées par les grands maîtres : Michel-Ange, Botticelli, Fra Angelico, et beaucoup d’autres. À Milan, j’ai pu voir la célèbre peinture « La Cène » de Léonard de Vinci. Cette peinture murale se trouve dans le réfectoire du couvent de Santa Maria delle Grazie, et pour la voir, il faut acheter des billets à l’avance et attendre son quart d’heure devant la peinture. Lorsque mon tour approchait, j’ai été regroupée avec vingt-quatre autres personnes dans une salle d’attente, guidée à travers deux chambres hermétiques, et enfin autorisée à me tenir devant l’œuvre pour quinze minutes de communion.
Pendant que j’étais assise, j’ai contemplé le tableau et les raisons pour lesquelles on le considère inestimable, sa valeur étant au-delà de toute mesure. Est-ce parce que le tableau est ancien, créé au XVe siècle ? Est-ce à cause de l’endroit où il se trouve, à Milan ? Est-ce parce que l’accès est limité de sorte que peu de personnes puissent le voir, ce qui le rend plus précieux que des tableaux que tout le monde peut admirer ? Est-ce parce qu’on l’a menacé dans le passé, comme lorsque Napoléon a utilisé le couvent comme armurerie, prison et étable, ou lorsqu’il a été partiellement détruit par des bombes pendant la Seconde Guerre mondiale ? Est-ce à cause de son style de peinture non conventionnel, sur un mur sec plutôt que dans du plâtre humide, le rendant plus fragile et rare ? Est-ce à cause de celui qui l’a peint, le grand maître De Vinci ? Est-ce à cause de son sujet ?
Ces questions et bien d’autres me traversaient l’esprit alors que j’étais assise et que je contemplais ce tableau. J’aurais aimé pouvoir dire que j’ai trouvé des réponses brillantes qui m’ont profondément touchée, mais au contraire, encore plus de questions me sont venues à l’esprit. Comment mesurer la valeur ? Qu’est-ce qui donne de la valeur à une chose et, plus encore, à une personne ?
En tant que professeur de littérature et de culture, mon travail consiste à examiner les systèmes de sens et de valeur, la langue étant le tout premier d’entre eux. Si l’on consulte le Robert, les extraits pertinents du mot « valeur » se lisent comme suit :
Selon ces définitions, la valeur d’une chose dépend d’idées telles que l’estimation, la désirabilité, la capacité à plaire, et le mérite. Elle est au centre du mot évaluer, qui signifie analyser, et pourtant, nous avons tendance à ne pas nous poser la question de savoir qui détermine le système de valeur par lequel nous considérons, classons, et hiérarchisons les personnes ou les choses ? Qui détermine le mécanisme d’évaluation et les indices de ce que l’on évalue ? Qui établit la « norme d’équivalence » qui dit que certaines choses ont plus de valeur que d’autres ?
En tant qu’êtres humains, l’une des choses que nous faisons pour comprendre notre monde est de créer des systèmes de signification qui nous aident à organiser les sensations, les expériences, et les objets que nous rencontrons. Je me souviens d’une époque où je lisais avec mon neveu le plus âgé, Connor, alors qu’il apprenait les différentes catégories d’animaux, par exemple qu’un chien n’est pas une vache et qu’une vache n’est pas un zèbre. L’apparence de l’animal, ses cris, et son alimentation sont autant d’éléments qui lui ont permis d’apprendre à identifier ces différentes espèces. De même, nous avons créé des catégories telles que la nationalité, la race, l’ethnicité, le sexe, l’appartenance religieuse, le parti politique, l’état matrimonial, et bien d’autres afin d’organiser et de donner un sens à la diversité de l’humanité. Cependant, nous utilisons trop souvent ces systèmes apparemment descriptifs pour déterminer la valeur des autres. Ces hiérarchies de valeur créées par l’homme peuvent provoquer des divisions, des conflits, et des compréhensions biaisées de l’estime de soi.
En revanche, le système de Dieu pour estimer notre valeur favorise la connexion, la compassion, et l’amour. Nous sommes ses enfants. Il nous aime inconditionnellement, éternellement, et immuablement. Notre valeur est infinie parce que nous sommes ses filles et ses fils. Aucun esprit n’a plus de valeur que l’autre. Alors pourquoi échouons-nous à aimer et à « estimer correctement » les enfants de Dieu ? Nous lisons dans Doctrine et Alliances 18:10 que « les âmes ont une grande valeur aux yeux de Dieu », mais croyons-nous vraiment cela, ou marquons-nous ce passage d’Écriture dans nos esprits comme servant uniquement à des fins missionnaires ? Aujourd’hui, j’aimerais que nous réfléchissions sur la manière dont nous pouvons mieux aligner la valeur que nous accordons aux autres sur la valeur que le Seigneur accorde à ses enfants, afin que nous soyons de véritables disciples du Christ.
« Alors, quelle est votre valeur ? » C’est une question que j’ai entendue lorsque j’étais peut-être un peu trop curieuse lors d’un récent vol. (Pour ma défense, il est difficile de ne pas entendre tout ce qui se passe autour de soi dans un avion.) En réponse à cette question, l’homme concerné a cité les chiffres de son portefeuille d’investissements, ses biens immobiliers et sa richesse nette. Ma première pensée a été : « Bon sang ! J’espère que personne ne mesurera ma valeur en fonction de ce qu’il y a sur mon compte d’épargne, sinon je suis dans le pétrin. » Puis je me suis assise et j’ai réfléchi davantage à la façon dont les éléments extérieurs comme la richesse sont utilisées pour attribuer de la valeur aux individus. Je me suis souvenue du roman d’Edith Wharton, The Age of Innocence (L’âge de l’innocence). Dans ce texte, Wharton fait la satire de l’ensemble complexe de codes que les personnes très riches utilisaient pour dicter leur comportement et mesurer leur valeur au cours de l’ère de l’Âge d’or à New York. Les gens qui respectaient ces codes stricts étaient acceptés dans la haute société comme des membres appréciés. Ceux qui ne respectaient pas ou ne pouvaient pas respecter ces codes étaient qualifiés de vulgaires, de classe inférieure et, pire que tout, de « désagréables ».
Quand j’enseigne ce roman, mes élèves n’ont aucun mal à rire de ces personnages et de leur superficialité. Mais nous, les habitants du début du XXIe siècle, avons aussi nos codes qui séparent les « tops » des « flops » (pour citer une page Facebook récemment mentionnée dans les journaux locaux). En tant que classe, nous avons commencé à identifier différents marqueurs ou codes que l’on pourrait utiliser pour classer les autres et avons dressé une liste : comment les gens s’habillent, quels portable et ordinateur ils utilisent, quelle voiture ils conduisent, quels genres de musique ils écoutent, de quelle taille sont leurs jeans, quel est le statut de leur relation amoureuse, dans quel immeuble ils vivent, quels films ils regardent, quelle pilosité faciale ils développent, et ainsi de suite. Mes étudiants ont constaté que ces choses qui semblent décrire prescrivent en fait certains comportements et croyances jugés importants pour l’acceptation et la valeur.
Souvent, nous ignorons que nous attribuons de la valeur aux gens d’une manière qui contredit ou remet en question nos croyances professées en tant que chrétiens. La richesse, l’apparence physique, l’éducation, la race, l’ethnicité, le genre, la sexualité, l’appartenance religieuse et le parti politique ne sont que quelques catégories qui peuvent être utilisées pour élever certaines personnes et en rabaisser d’autres. Que nous aimions l’admettre ou non, il est humain de classer et d’attribuer de la valeur aux autres, et le plus souvent, nous attribuons une valeur plus élevée aux gens qui nous ressemblent qu’à ceux qui sont différents. C’est à présent un cliché de dire cela, mais nous craignons ce que nous ne connaissons pas, si bien que la différence devient suspecte ou « mauvaise », tandis que la familiarité engendre le confort, de sorte que la similitude prend de la valeur. En outre, la peur des échecs ou la peur de ne pas être à la hauteur incitent souvent ces comportements négatifs. Parce que nous craignons d’être inférieurs, nous cherchons à nous élever au-dessus des autres pour nous convaincre que nous avons de la valeur.
D’où viennent ces systèmes qui mesurent la valeur ? Ces systèmes ne sont ni éternels ni transcendants mais sont des créations humaines basées sur le lieu et le temps qui, la plupart du temps, profitent à ceux qui sont en position de force et qui ont créé ces systèmes.
Par exemple, des idées pseudoscientifiques de supériorité raciale élevant les Anglo-Saxons au-dessus de tous les autres ont été perpétuées pendant des siècles afin de justifier la dévaluation et la déshumanisation des personnes de couleur afin que l’on puisse se saisir de leurs terres et que l’on puisse utiliser leurs corps comme des serviteurs ou esclaves. Jusqu’à récemment, des discours sociaux disaient que les humains en possession de deux chromosomes X étaient intellectuellement inférieurs, prédisposés à l’irrationalité émotionnelle et incapables de gouverner les autres et encore moins de se gouverner eux-mêmes. Cette évaluation empêchait les femmes de détenir des biens, d’obtenir une éducation, de voter aux élections et de participer aux affaires publiques.
Ces systèmes humains par lesquels les êtres humains ont été évalués, catégorisés et classés ont changé avec le temps et le lieu. De toute évidence, ces systèmes qui élèvent certains et en dénigrent d’autres sont destructeurs et ont conduit à des guerres, à l’esclavage et à la discrimination – une violence d’envergure sociale et mondiale.
Ces faux systèmes de valeur ont également une influence négative à plus petite échelle sur l’individu et son sentiment d’estime de soi et de place dans la communauté. Se faire dire que l’on est moins que les autres, que l’on ne pourra jamais s’intégrer ou que l’on ne sera accepté que si l’on change de personnalité est destructeur sur le plan émotionnel, spirituel et, parfois, physique.
Un système d’évaluation qui a des conséquences négatives pour les sentiments de valeur individuelle est celui de la beauté. Les êtres humains font de grands efforts pour atteindre une beauté idéale : des séances d’entraînement extrêmes, la chirurgie plastique, les troubles alimentaires, les rituels de maquillage élaborés, les soins intensifs des cheveux et des ongles et les achats excessifs. Tous ces comportements découlent du désir d’être beaux parce que l’on nous apprend à croire que les belles personnes ont plus de valeur que les autres.
Ici en Utah, nous ne sommes pas à l’abri de cette tendance. En novembre 2007, le magazine Forbes a nommé Salt Lake City la ville la plus vaniteuse des États-Unis car elle avait plus de chirurgiens plasticiens et utilisait plus de produits de beauté par habitant que toute autre grande ville des États-Unis2. Conduisez sur l’autoroute I-15 et vous verrez panneau après panneau offrant de soigner votre apparence pour vous rendre plus beaux. Parcourez Facebook ou regardez les publicités à la télévision aux heures de grande écoute et vous verrez plusieurs exemples où le corps est traité comme un objet et avec honte et est lié à la valeur individuelle de chacun. Si nous sommes prisonniers du désert qu’est la télé-réalité, nous sommes soumis à de nombreuses émissions de chirurgie plastique, de maquillage, de « rencontres » et de dangereux concours de perte de poids qui nous inondent du message selon lequel l’on n’est jamais assez beau et que le bonheur dépend de sa peau, de ses dents, de ses cheveux, de son poids, de sa forme et de sa garde-robe. Nous lisons dans 1 Samuel 16:7 que « l’homme regarde à ce qui frappe les yeux mais l’Eternel regarde au cœur » – et l’obsession pour la beauté de notre culture moderne le confirme en effet.
Cette obsession n’est pas sans coût. Dans une conférence générale, Jeffrey R. Holland a fait remarquer ce faux système de valeur et sa nature destructrice, plaidant avec les femmes jeunes et âgées :
Je vous supplie, jeunes filles, de mieux vous accepter vous-mêmes, notamment la forme et le type de corps que vous avez, en rêvant un peu moins de ressembler à quelqu’un d’autre. Nous sommes tous différents. […] Et si vous êtes hantées par l’idée d’entrer dans des vêtements deux tailles plus petits, vous ne serez pas très étonnées quand votre fille de la classe des Abeilles fera la même chose et se rendra malade. […]
[…][C]’est de la destruction spirituelle et cela explique une grande partie des malheurs que les femmes, et notamment les jeunes filles, affrontent dans le monde moderne. Et si des adultes sont préoccupés par leur apparence – faisant des implants, du lifting et modifiant tout ce qui peut l’être – ces pressions et ces inquiétudes s’infiltreront certainement jusqu’aux enfants. À un moment donné, le problème devient ce que le Livre de Mormon appelle « les vaines imaginations3 ».
Comme l’a dit frère Holland, cette préoccupation pour l’apparence et cette idée socialement construite de la beauté comme étant ce par quoi nous trouvons de l’estime ou de la valeur est physiquement et spirituellement destructrice, et elle ne se limite pas seulement aux femmes. Les hommes aussi doivent gérer les pressions de l’apparence, et les troubles de l’alimentation, la boulimie d’exercice, et les troubles psychologiques associés à la réalisation de la beauté sont en hausse chez les hommes.
Les belles personnes sont-elles de meilleures personnes ? Dieu les aime-t-il davantage ? Je suis sûr que nous répondrons tous par un non retentissant ; cependant, dites-vous non lorsque vous vous regardez dans le miroir et que vous vous critiquez vous-même ou lorsque vous critiquez les autres en raison de leur apparence ? Croyons-nous ce que nous disons ? Rappelez-vous : la beauté idéale est une invention de ce monde. Nous pouvons désigner les suspects habituels de ce faux système de valeurs : l’industrie de la mode, la publicité, la télévision, etc. Et oui, nous sommes bombardés d’images qui disent : « Voici ce qui est beau. Si vous êtes ceci, vous serez populaire, vous serez important, l’on voudra sortir avec vous, vous pourrez vous marier et vous mériterez d’être aimé. » Bien que nous sachions que cela soit faux, les taux d’« implants, d[e] lifting et [de] modifi[cations] », comme l’a dit frère Holland, et les taux de troubles alimentaires et de dépression parmi les étudiants de ce campus et d’autres nous indiquent que c’est très réel.
Une de mes œuvres littéraires préférées est la pièce de Lorraine Hansberry, Un raisin au soleil. Cette pièce examine les façons dont les catégories de valeur socialement construites peuvent réduire les individus et offre une correction. La famille Younger est pauvre et noire, vivant dans le sud de Chicago après la Seconde Guerre mondiale. Les dégradations des pratiques racistes en matière de logement et d’embauche les ont épuisés, détruisant les relations familiales et vidant d’espoir chaque individu.
Au début du troisième acte, la famille Younger est abasourdie par la nouvelle que les actions de Walter Lee Younger leur ont fait perdre le petit héritage qui aurait pu les aider à améliorer leur situation. Sa sœur, Beneatha, se retourne contre lui, disant qu’il n’est plus un homme mais « un rat édenté ».
Sa mère la corrige, lui rappelant qu’elle lui a appris à aimer son frère, ce à quoi Beneatha répond : « Tu l’aimes ? Il n’y a plus rien à aimer. » En effet, le poids oppressant du racisme a tellement martelé aux Youngers qu’ils ne valaient rien qu’ils ont commencé à y croire.
Néanmoins, Maman déclare à juste titre dans ce discours mémorable :
Il y a toujours quelque chose à aimer. […] Enfant, à ton avis, quel est le meilleur moment pour aimer quelqu’un : quand il a fait du bien et a rendu les choses faciles pour tout le monde ? Eh bien, ce n’est pas du tout le moment. C’est quand il est au plus bas et qu’il ne peut pas croire en lui-même parce que le monde l’a tellement fouetté… Quand tu commences à mesurer quelqu’un, mesure-le correctement, mon enfant. Mesure-le correctement. Assure-toi d’avoir pris en compte les collines et les vallées qu’il a traversées avant d’arriver là où il est4.
Maman rappelle à Beneatha que tous les individus ont de la valeur, qu’il y a toujours quelque chose à aimer et que nous devons réexaminer la façon dont nous nous mesurons les uns les autres. En fin de compte, elle soutient que la manière correcte de mesurer ne dépend pas de facteurs externes, mais plutôt de la valeur immuable de chacun en tant qu’être humain. Et pour Maman, chrétienne pratiquante, ce n’est pas tout : la valeur ne peut pas être diminuée et il y a toujours quelque chose à aimer parce que tous sont enfants de Dieu.
Notre Père céleste savait que nous aurions des difficultés avec cela. En effet, les Écritures sont remplies de commandements pour résister à l’impulsion humaine de classer les gens et plutôt de les voir tel que Dieu les voit. Par exemple, Lévitique contient plusieurs injonctions aux Israélites d’accepter et d’aimer tous ceux qui sont parmi eux. Nous lisons :
Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez pas.
Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un Israélite du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. [Lévitique 19:33-34]
Dieu a ordonné aux Israélites de regarder au-delà des structures humaines de nationalité ou de pratique religieuse et de voir et d’aimer un « étranger » comme « un Israélite du milieu de vous ». Il nous a ordonné de ne pas opprimer ceux que nous percevons comme différents. Il a demandé que nous reconnaissions que les divisions « nous contre eux » sont artificielles parce que tous sont enfants de Dieu. Il a également rappelé aux Israélites qu’eux aussi étaient étrangers et que nous sommes tous étrangers à un moment ou un autre dans notre vie. Si Dieu a fait preuve de miséricorde envers eux, ses enfants, et en était capable, alors ils devraient faire de même envers les autres.
Avant cela, Dieu a ordonné aux Israélites : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel » (Lévitique 19:18). Il n’y a pas de conditions ici — le Seigneur n’a pas dit : « Tu aimeras ton prochain à moins qu’il ne soit X, Y ou Z », mais c’était un commandement pour une inclusion totale. La déclaration finale, « Je suis l’Éternel », souligne celui qui parle et distingue le commandement divin d’aimer inclusivement des tendances humaines à distinguer, à évaluer, à discriminer et à tolérer.
L’un des mots que j’aime le moins est tolérer parce que son usage populaire attribue une supériorité à l’orateur et une infériorité à l’objet de son discours. L’on tolère la personne, les croyances, ou les actions de quelqu’un d’autre, ce qui implique que sa propre personne, ses croyances ou ses actions sont supérieures. Cependant, cela n’est pas la voie du Seigneur, et nos dirigeants nous l’ont signalé. Lors d’une veillée du DEE, Dallin H. Oaks a défini la tolérance « comme une attitude amicale et juste envers les opinions et les pratiques peu courantes ou envers les personnes qui les entretiennent ou les vivent5 ». Notez les mots amicale et juste dans cette définition. Frère Oaks nous a également expliqué que cela « exige de notre part une prise de conscience plus vive de la nature de la tolérance », soulignant que « tous [sont] frères et sœurs issus de Dieu » et qu’à ce titre, ils méritent le respect6.
Le respect mutuel est le terme utilisé par Russell M. Nelson dans un discours sur la tolérance prononcé lors d’une conférence générale, citant une déclaration récente du Collège des douze apôtres qui se lisait comme suit : « Nous croyons sincèrement que si nous nous traitons les uns les autres avec considération et compassion, nous découvrirons que nous pouvons tous coexister dans la paix, malgré nos différences les plus grandes7. » La « considération et [la] compassion », et non la condescendance, sont les attributs que nos dirigeants nous invitent à magnifier.
Dieter F. Uchtdorf a déclaré dans son discours intitulé « Vous êtes mes mains » :
Quand je pense au Sauveur, je me le représente souvent les mains tendues, pour réconforter, guérir, bénir et aimer. Il parlait avec les gens, jamais avec condescendance. Il aimait les humbles et les doux et il a marché parmi eux, les servant et leur offrant espérance et salut.
C’est ce qu’il a fait pendant sa vie terrestre, c’est ce qu’il ferait s’il vivait parmi nous aujourd’hui et c’est ce que nous devrions faire, nous, ses disciples, les membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours8.
La connotation de « tolérer » qui suggère le jugement, la condescendance, et le dédain ne correspond ni à l’exemple du Seigneur de parler avec les gens plutôt qu’avec condescendance, ni à son injonction d’aimer libéralement tous les êtres humains, sans réserve. Comme lui et nos dirigeants l’ont enseigné, la compassion, le respect, l’équité, la gentillesse et la prévenance marquent la manière dont nous devons considérer les différences d’opinion, de croyance et de position dans la vie, car, comme l’a dit frère Oaks, nous sommes tous frères et sœurs en Dieu.
Le Christ lui-même a refusé de reconnaître les distinctions de classe, de nationalité, de race, de sexe, de politique ou de foi parmi les gens, mais a plutôt vu chaque individu comme un enfant de Dieu digne de son temps, de son service, de ses enseignements et de son amour. Lorsqu’une femme malade que tous les autres évitait s’est approchée de lui pour obtenir de l’aide et a touché son vêtement, il ne l’a ni condamnée ni rejetée, mais il l’a bénie (voir Luc 8:43-48). Quand une femme pécheresse s’est approchée de lui pour lui laver les pieds, le Christ ne l’a pas châtiée, mais a plutôt accepté son acte de charité (voir Luc 7:37-38). Lorsque les pharisiens l’a critiqué pour avoir dîné avec un publicain, un individu incarnant la mauvaise profession, de mauvaises opinions politiques et une nation étrangère envahissante, le Christ les a réprimandés en disant que sa parole et son amour étaient pour tous (voir Marc 2:15-17 ; Luc 15:1–2). Enfin, lorsque Jésus a vu la Samaritaine au puits, il ne l’a pas évitée comme l’aurait exigé le tabou du fait qu’elle était une femme et une Samaritaine, mais il lui a parlé, l’a instruite, et l’a aimée (voir Jean 4:5-42).
De même, les paraboles du Christ enseignent que nous devons voir au-delà des divisions créées par l’homme qui classifient et évaluent les gens afin de les voir pour qui ils sont et ce qu’ils sont : des enfants de Dieu. Le bon Samaritain dans Luc 10 en est un exemple parfait. Nous connaissons tous l’histoire. Avant que le Samaritain n’arrive, un prêtre et un Lévite sont passés près de l’homme blessé. Puis un Samaritain est venu. Ce prétendu ennemi d’Israël aurait pu dire : « Oh, ce type est un étranger », « cet homme est mon ennemi », « ce type est d’une autre église » ou « quelqu’un d’autre devrait prendre soin de lui parce qu’il ne me concerne pas et ne mérite pas mon temps ». Au lieu de voir ces différences et divisions, le Samaritain a vu cet homme comme un être humain de valeur et a agit en fonction de cette vision. C’était cet homme de l’extérieur, cet étranger, qui avait de la compassion pour l’homme dépouillé, pansant ses blessures et assurant son abri et ses soins supplémentaires.
En utilisant cette parabole, le Christ a enseigné que nous devons aimer et prendre soin de tout le monde — pas seulement ceux qui nous ressemblent — parce que tous ont de la valeur pour lui. En outre, puisqu’il partage cette leçon avec ses disciples, il enseigne que la façon dont nous traitons les autres est un indicateur de notre engagement envers lui en tant que ses disciples. Portons-nous un jugement et passons-nous à côté d’eux ? Ou nous arrêtons-nous pour les aider et les servir ?
Cela me rappelle ce qu’a écrit la philosophe française Simone de Beauvoir : « La vie garde un prix tant qu’on en accorde à celle des autres, à travers l’amour, l’amitié, l’indignation, la compassion9. » Or, je dirais que toutes les vies ont de la valeur, mais que notre valeur en tant que disciples du Christ dépend de la façon dont nous attribuons de la valeur à la vie des autres. Si nous dévaluons, rabaissons, dénigrons ou rejetons les autres, nous diminuons notre engagement en tant que disciple et détruisons ce qui nous rend humains : la compassion. Mais lorsque nous valorisons les autres, non seulement nous montrons ce que l’humanité a de meilleur, mais nous magnifions également notre appel en tant que disciple.
À maintes reprises dans les Écritures, les prophètes, les apôtres, et le Seigneur lui-même nous appellent à aimer tous les hommes. Voici quelques exemples. Comme lu plus tôt, Lévitique 19:18 nous dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », un ordre réitéré dans Matthieu 19:19. Dans l’évangile de Jean, nous lisons les paroles qui sont devenues un cantique bien-aimé dans la communauté des saints des derniers jours:
Je vous donne un nouveau commandement : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.
À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. [Jean 13:34-35 ; voir « Aimez Vos Frères », Cantiques, 1993, 200]
Ce commandement tire son origine du moment où le Christ instruit ses disciples, les préparant à l’œuvre de prosélytisme qu’ils devaient accomplir. Toutefois, ce commandement s’applique aussi à nous, ses disciples des derniers jours. Si nous croyons en lui, nous devons avoir de l’amour pour notre prochain, et non seulement pour ceux qui sont membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, mais pour tous ses enfants sur cette terre. Si nous croyons en lui, nous ferons ce que Néphi a demandé : nous « marcher[ons] résolument, avec constance dans le Christ, ayant une espérance d’une pureté parfaite et l’amour de Dieu et de tous les hommes [et femmes] » (2 Néphi 31:20, italiques ajoutés). Si nous croyons en lui, nous ferons comme le peuple du roi Benjamin l’a fait : nous « rendr[ons] grâces au Seigneur [notre] Dieu [et serons] dans l’allégresse et [serons] remplis d’amour envers Dieu et tous les hommes [et femmes] » (Mosiah 2:4 ; italiques ajoutées).
Les Écritures nous apprennent à maintes reprises qu’être disciple consiste à s’aimer les uns les autres. Encore une fois, il n’y a pas de qualification ici. Les Écritures ne disent pas : « Aimez Dieu et tous les hommes et toutes les femmes, sauf ceux qui sont ou font X. » Non, l’on nous commande d’aimer tous les hommes et toutes les femmes si nous voulons être comptés parmi les disciples du Christ.
Dans l’Institution de la religion chrétienne, Jean Calvin, réformateur chrétien, a parlé du véritable disciple et de son obligation de reconnaître tous les humains comme des enfants de Dieu dignes d’amour. Calvin a abordé divers arguments soutenant de faux systèmes d’évaluation, les désarmant avec l’Évangile de l’amour. Il a écrit :
Si nous disons qu’il est étranger : le Seigneur lui a imprimé une marque qui doit nous être familière. Si nous alléguons qu’il est méprisable et de nulle valeur : le Seigneur réplique en nous démontrant qu’il l’a honoré en faisant resplendir en lui son image. Si nous disons que nous ne sommes en rien tenus à lui : le Seigneur nous dit qu’il le substitue à lui-même, afin que nous reconnaissions envers lui les bienfaits qu’il nous a faits. Si nous disons qu’il est indigne, pour qui nous ferions à peine un pas : l’image de Dieu, que nous devons contempler en lui, est bien digne que nous nous exposions pour elle avec tout ce qui est nôtre. Même quand ce serait un tel homme, qui non seulement n’aurait rien mérité de nous, mais aussi nous aurait fait beaucoup d’injures et d’outrages : encore ne serait-ce pas cause suffisante pour que nous cessions de l’aimer et de lui faire plaisir et service10.
Ce que Calvin répète encore et encore, c’est que l’image et la grâce de Dieu se trouvent dans tous ceux que nous rejetterions ou dénigrerions. Il insiste également sur le fait que nous sommes tous liés les uns aux autres et que personne n’est meilleur que l’autre. Et parce que tous les humains sont des enfants de Dieu, tous méritent notre affection et que nous leur fassions « plaisir et service ». Ou, pour revenir sur le discours du président Uchtdorf, parce que tous ont l’image de Dieu gravée sur leur visage et le sacrifice du Christ inscrit dans leur âme, tous sont appelés à être ses mains : à servir, à embrasser, à accueillir, à fraterniser, à réconforter, et à élever les autres. Nous lisons dans Moroni 8:16 que « l’amour parfait bannit toute crainte ». L’amour de Dieu et de nos semblables, hommes et femmes, dissipe notre peur de la différence et de ne pas être à la hauteur. Il nous sanctifie, nous donnant une capacité encore plus grande à aimer.
Tel est le message de mon livre d’Écriture préféré, 1 Jean. Dans cette épître, l’auteur décrit la nature de l’amour de Dieu et l’amour propre au véritable disciple :
Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour.
L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui.
Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés.
Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. […]
[…] Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. […]
Pour nous, nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier.
Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur ; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?
Et nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. [1 Jean 4:7–11, 16, 19–21]
Dieu nous aime parce que nous sommes ses enfants et que nous avons une valeur infinie. Parce qu’il nous aime et qu’il nous a bénis de sa grâce, il nous est ordonné de voir tous les autres comme des enfants de Dieu et de les aimer, d’aimer nos frères et sœurs. Cette épître nous interpelle au sujet de notre hypocrisie potentielle : si nous disons que nous aimons Dieu mais que nous rabaissons les autres, nous n’aimons pas vraiment Dieu, car un tel amour bannirait la mauvaise volonté de notre cœur. Comme nous le lisons dans Jean : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3:16). « Dieu a tant aimé le monde » — non pas certaines parties du monde ou certaines personnes vivant dans ce monde, mais le monde entier — qu’il nous a donné son Fils, ce qui a constitué un énorme sacrifice de sa part. Et en retour, il nous demande de sacrifier nos divisions insignifiantes, notre sectarisme toxique et nos fausses hiérarchies de valeur afin de reconnaître la dignité de chaque être humain et enfant de Dieu.
Les raisons d’aimer sont claires, mais la manière l’est parfois moins. Aimer tous les enfants de Dieu exige de l’humilité et le désir de le faire. Cela signifie que nous devons changer la façon dont nous regardons les autres afin de ne plus voir les gens comme des statistiques démographiques mais plutôt comme des enfants de Dieu. Cela ne vient pas facilement ou tout de suite, mais nécessite de la persévérance et un travail acharné. Il peut arriver que nous échouions, mais si tel est le cas, nous devons nous pardonner nous-mêmes et essayer à nouveau, tout en nous efforçant de devenir de meilleurs disciples.
Alors, quelle est votre valeur ? J’espère que vous savez que vous êtes bien au-delà de ces fausses mesures de valeur que nous, les humains, avons créées. Vous avez une valeur infinie qui n’a rien à voir avec le contenu de votre portefeuille, la taille de vos vêtements, le parti pour lequel vous votez, la couleur de votre peau, votre sexe et ainsi de suite. Pourquoi ? Premièrement, parce que vous êtes un être humain, et tous les êtres humains ont de la valeur. Deuxièmement, parce que vous êtes un enfant de parents célestes qui vous aiment et voient la personne précieuse que vous êtes.
C’est mon témoignage que Dieu est amour, que l’Évangile de Jésus-Christ est un Évangile d’amour et qu’être un vrai disciple exige que l’on partage cet amour avec tous les gens. J’espère que nous serons capables de reconnaître et de rejeter ces faux systèmes de valeurs qui rabaissent et divisent, et d’embrasser plutôt l’amour propre au véritable disciple. Je dis ces choses au nom de Jésus-Christ. Amen
Kristin L. Matthews était professeur adjoint d'anglais à BYU et coordinatrice du programme d'études américaines lorsqu’elle a prononcé ce discours lors d’une réunion spirituelle le 6 août 2013.