Le Jardinier de Gethsémané
Directeur du département des collections spéciales L. Tom Perry
26 octobre 2010
Directeur du département des collections spéciales L. Tom Perry
26 octobre 2010
Si nous regardons, nous verrons les mains attentionnées du Jardinier de Gethsémané façonner nos vies d’une manière que nous ne pouvons pas imaginer maintenant. Je prie pour que nous cédions à cet élagage afin que nous puissions devenir la personne que Dieu voudrait que nous soyons.
Nous sommes toujours prêts à améliorer nos traductions. Si vous avez des suggestions, écrivez-nous à speeches.fra@byu.edu.
Chers étudiants, aujourd’hui, je me sens comme le roi Benjamin lorsqu’il a parlé à son peuple: « [C]ar en ce moment même, mon corps tout entier tremble extrêmement tandis que j’essaie de vous parler1. » J’ai anticipé l’angoisse de ce moment depuis de nombreux mois.
Pensant obtenir une réaction sympathique de mes collègues de la bibliothèque, je leur ai parlé de mon invitation à prononcer un discours lors d’une réunion spirituelle. Cette nouvelle, cependant, a été accueillie avec une réaction presque universelle : le rire. Cela n’était pas le genre d’empathie que j’espérais. Mes amis de sport du bâtiment Richards, par contre, avaient plein de conseils sur ce que je pourrais vous dire, qui étaient pour la plupart sans valeur. Mais merci quand même, les amis. À charge de revanche.
Au cours de l’été 1842, l’artiste britannique William Henry Bartlett a visité la Terre sainte. Il a décrit ses premières vues de la ville de Jérusalem :
Nous descendons le sentier abrupt et endommagé à gauche de notre vue jusque dans la vallée du Kidron. En traversant son lit sec par une petite arche, nous atteignons un remarquable groupe d’objets, vénérables dans les traditions du lieu. Sur notre droite, un terrain pierreux, entouré d’un mur bas, renferme huit oliviers de très grande ancienneté. Notre croquis donnera une idée du caractère noueux et usé de ces arbres, censés être ceux du jardin de Gethsémané. […] Les arbres eux-mêmes m’ont rappelé les célèbres cèdres de Salomon sur le Mont Liban, par l’immensité disproportionnée de leurs vénérables troncs par rapport au mince feuillage au-dessus. Depuis des lustres, le pèlerin s’est agenouillé et les a embrassés en larmes, portant de là quelques fruits éparpillés, ou une morceau de l’écorce, pour lui rappeler l’endroit où, pour son salut, l’âme de son Rédempteur était « triste jusqu’à la mort2 ».
Les pèlerins modernes retirent encore des reliques de ce lieu saint. Il y a quelques années, mes voisins sont revenus d’Israël avec des feuilles d’olivier ramassées dans le jardin de Gethsémané.
J’ai souvent pensé à ce jardin saint et à la façon dont, il y a près de deux mille ans, les ancêtres des arbres d’aujourd’hui ont été témoins du début du sacrifice expiatoire du Christ. S’ils avaient maintenant une voix, quelle histoire ils pourraient raconter !
J’ai aussi souvent pensé que sûrement, puisqu’il s’agissait d’un jardin, il y avait sans doute un jardinier qui s’occupait de ces arbres avec amour : les nourrissant avec de l’eau précieuse en période de sécheresse, les taillant soigneusement pour favoriser leur fructification et récoltant les olives mûres.
Je crois qu’il est plus que symbolique que les Écritures décrivent souvent le Sauveur comme un tel jardinier. Citant le prophète Zénos, le prophète Jacob du Livre de Mormon a dit ceci :
Écoute, ô maison d’Israël, et entends ces paroles de moi qui suis prophète du Seigneur.
Car voici, ainsi dit le Seigneur, je vais te comparer, ô maison d’Israël, à un olivier franc qu’un homme prit et nourrit dans sa vigne ; et il poussa, et vieillit, et commença à dépérir.
Et il arriva que le maître de la vigne sortit, et il vit que son olivier commençait à dépérir ; et il dit : Je vais le tailler, et le bêcher alentour, et le nourrir, afin que peut-être il donne de jeunes et tendres branches, et qu’il ne périsse pas3.
Une de mes histoires préférées sur la façon dont le Sauveur dirige nos vies est racontée par Hugh B. Brown, qui, pendant la plupart de mes années d’adolescence, a été conseiller de David O. McKay et était très aimé par les membres de l’Église. J’ai entendu cette histoire pour la première fois quand j’étais missionnaire en Allemagne dans les années 1960. Un de mes collègues missionnaires était un petit-fils du président Brown et avait un enregistrement de son grand-père racontant cette expérience, qu’il a intitulé: « Le jardinier et le groseillier». Je vais reprendre les propres termes du président Brown :
À l’aube, un jeune jardinier taillait ses arbres et ses arbustes. Il avait un groseillier de choix qui était devenu trop ligneux. Il craignait donc qu’il ne produise que peu, voire pas du tout de fruits.
Par conséquent, il a élagué et taillé le buisson et l’a réduit. En fait, lorsqu’il a fini, il ne restait plus que des souches et des racines.
Avec tendresse, il a examiné ce qu’il restait. Le groseillier avait l’air si triste et profondément blessé. Sur chaque souche, il semblait y avoir une larme où le couteau d’élagage avait coupé la croissance du début du printemps. Le pauvre buisson semblait lui parler, et il pensait l’entendre dire : « Oh, comment avez-vous pu être si cruel envers moi ; vous qui prétendez être mon ami, qui m’avez planté et pris soin de moi quand j’étais jeune, et qui m’avez nourri et encouragé à grandir ? Ne pouviez-vous pas voir pas que je répondais rapidement à vos soins? J’étais presque la moitié de la taille des arbres de l’autre côté de la clôture, et j’aurais bientôt pu devenir comme l’un d’entre eux. Mais maintenant vous avez coupé mes branches ; les feuilles vertes et attrayantes ont disparu, et je suis en déshonneur parmi mes semblables. »
Le jeune jardinier a regardé le buisson en pleurs et a entendu sa plainte avec une compréhension pleine de compassion. Sa voix était empreinte de gentillesse lorsqu’il a dit : « Ne pleure pas. Ce que je t’ai fait était nécessaire pour que tu deviennes un groseillier de choix dans mon jardin. […]
« […] Tu ne dois pas pleurer ; tout cela sera pour ton bien. Un jour, lorsque tu verras plus clairement, quand tu seras richement chargé de fruits succulents, tu me remercieras et diras : ‘Assurément, c’était un jardinier sage et aimant. Il connaissait le but de mon existence, et je le remercie maintenant pour ce que je considérais alors comme de la cruauté.’ »
À ce stade de la narration, l’histoire de frère Brown est devenue une réflexion personnelle lorsqu’il a regardé 40 ans en arrière, alors qu’il était officier dans l’armée canadienne, stationné en Angleterre pendant la Première Guerre mondiale. Une occasion de promotion s’était présentée de manière inattendue, et il a reçu l’ordre de se présenter dans les quartiers de son commandant. Frère Brown s’était préparé pendant des années à un poste tel que celui qu’il s’attendait à ce qu’on lui offre. Il était confiant qu’on lui donnerait la promotion et que le succès de sa carrière militaire serait assuré.
En entrant dans les quartiers du commandant, le président Brown a remarqué que son propre dossier personnel était ouvert sur le bureau devant son supérieur. Il a remarqué également une note écrite d’une main claire disant : « Cet homme est un Mormon. » Frère Brown a été informé qu’il ne recevrait pas la promotion qu’il attendait et qu’on lui attribuerait ce qu’il considérait comme un « poste relativement peu important ». Il était dévasté. Il était convaincu que ses camarades verraient cette affectation comme un signe d’échec.
Il est retourné à sa tente et s’est agenouillé à côté de son lit et a pleuré. Il savait qu’il ne pourrait jamais atteindre son objectif de devenir un officier militaire de haut rang. Il s’est écrié à Dieu :
« Oh, comment as-tu pu être si cruel envers moi ? Toi qui prétends être mon ami, toi qui m’a amené ici, qui m’a nourri et encouragé à grandir. Ne pouvais-tu pas voir que j’étais presque l’égal des autres hommes que j’admire depuis si longtemps ? Mais maintenant j’ai été abattu. Je suis en déshonneur auprès de mes semblables. Oh, comment as-tu pu me faire cela ? »
Frère Brown s’est senti humilié, et son cœur était plein d’amertume. Puis il semblait entendre un écho du passé. Les mots qu’il avait en tête étaient des mots qu’il avait déjà entendus, mais où ? Il a réalisé qu’il s’agissait des paroles du groseillier, et sa mémoire a chuchoté : « Je suis le jardinier ici. »
Le souvenir de cet incident depuis longtemps oublié dans le jardin lui est revenu en mémoire, et sa propre mémoire a répondu à l’amère supplication qu’il avait lancée à Dieu :
« Ne pleure pas […] ce que je t’ai fait était nécessaire […] tu n’étais pas destiné à ce que tu cherchais à être, […] si je t’avais permis de continuer […] tu aurais échoué dans le but pour lequel je t’ai planté et mes plans pour toi n’auraient pas abouti. […] Un jour, quand tu seras richement chargé d’expérience, tu diras : « C’était un jardinier sage. Il connaissait le but de ma vie terrestre. Je le remercie maintenant pour ce que je considérais comme cruel. »
Pris de remords, l’amertume lavée de son cœur, le président Brown a parlé humblement à Dieu et a confessé :
« Je te connais maintenant. Tu es le jardinier, et moi le groseillier. Aide-moi, cher Dieu, à endurer l’élagage, et à grandir comme tu veux que je grandisse, à prendre la place qui m’est attribuée dans la vie et à toujours dire : « Que ta volonté et non la mienne soit faite4. »
Quand j’ai entendu cette histoire pour la première fois en tant que missionnaire, je l’ai considérée comme un conte charmant et moraliste, peu pertinent pour ma propre vie et mes aspirations. Avec plus de 40 ans de recul, cependant, je la perçois plus comme un modèle de ma vie que je ne l’aurais jamais imaginé.
Lorsque j’ai obtenu ma licence en histoire en 1970, j’ai envisagé de nombreuses options de carrière, mais j’ai décidé de poursuivre une maîtrise en bibliothéconomie, qui était alors proposée ici. En 1972, j’ai commencé à travailler à BYU en tant que conservateur adjoint des collections spéciales. Le travail était intéressant, stimulant, et gratifiant. Mais pour une raison quelconque – je ne peux même imaginer ce que c’était maintenant – j’étais agité et je voulais faire quelque chose de différent et de plus stimulant.
J’ai dit à ma femme Cindy que je voulais aller à la faculté de droit. « Es-tu sûr ? » a-t-elle répondu. « Oh oui, absolument. Aucun doute là-dessus », ai-je sûrement répondu, ou quelque chose de ce genre. J’ai donc fait tout ce que font les futurs étudiants en droit : Le LSAT, d’innombrables demandes d’admission, la prière, le jeûne, et plus de prières. Puisque ma femme est originaire du Vermont, nous avons décidé de postuler à des écoles situées dans l’Est. J’ai été admis à la faculté de droit de l’université Syracuse en 1975, alors nous avons vendu notre maison, rangé nos affaires et déménagé avec notre famille, composée de deux jeunes filles et un bébé de plus en route, à Syracuse dans l’État de New York.
Zenos a décrit ce processus de transplantation : « Et voici, dit le Seigneur de la vigne, j’enlève beaucoup de ces jeunes et tendres branches, et je vais les greffer là où je le veux5. » Et c’est ainsi que nous avons été greffés dans une autre partie du royaume.
Je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque, mais j’ai appris plus tard que lorsque les jeunes diplômés de BYU emménagent dans des communautés à travers le monde, les dirigeants des paroisses et des branches locales s’attendent à ce qu’ils arrivent avec de solides compétences de dirigeant, un témoignage fort de l’Évangile et la capacité d’assumer avec confiance n’importe quel appel dans l’Église. Une éducation reçue à BYU est une préparation exceptionnelle aux études supérieures et à une carrière réussie. Elle vous prépare également à des postes de direction dans la communauté et dans l’Église.
Nous avons donc été accueillis par les membres de l’Église à Syracuse avec enthousiasme et attente. Nous avons senti que le Seigneur nous avait effectivement greffés dans cette paroisse en nous appelant à des tâches de service dans l’Église.
Mais quelque chose me rendait étonnamment inquiet par rapport à mon expérience en faculté de droit. Après la première année, je savais que je ne me sentirais pas à l’aise en exerçant le métier d’avocat. Lorsque j’ai fais part de mon malaise à ma femme, elle s’est montrée peu compatissante, disant quelque chose comme : « Tu nous as fait déménager à l’autre bout du pays, tu finiras tes études de droit ! » C’est une femme coriace, mais elle a aussi généralement raison.
Alors j’ai persévéré et, comme on me l’avait ordonné, j’ai obtenu mon diplôme. À un moment donné au cours de ma dernière année d’école de droit, j’ai eu l’idée de devenir agent du FBI. Je suppose avoir été intrigué par ce qui me semblait être le côté captivant de l’application de la loi et du travail d’enquête. L’idée ne m’est jamais venue que je ne serais peut-être pas adapté à une telle profession. Ma bénédiction patriarcale contient des paroles indiquant que je réussirais à la vocation de mon choix. Dans mon propre raisonnement quelque peu alambiqué, je supposais que cela signifiait que je n’avais qu’à choisir une profession honorable et que le succès serait garanti.
Ceux d’entre vous qui ont postulé pour un emploi fédéral savent que les rouages de notre gouvernement national peuvent tourner douloureusement lentement. J’ai franchi la sélection psychologique, les entretiens personnels, l’évaluation de langues étrangères et les examens physiques assez rapidement. Puis j’ai attendu . . . et attendu . . . et attendu que quelque chose se passe. Quinze mois après l’obtention de mon diplôme, j’ai finalement été invité à rejoindre une nouvelle classe d’agents à l’Académie du FBI à Quantico, en Virginie.
Il va sans dire que j’étais enthousiaste, nerveux et optimiste quant à mon avenir. J’avais l’impression d’être au seuil d’une carrière prometteuse et réussie. J’avais parlé avec de nombreux agents du FBI, de la CIA, et des agents de Services Secrets et je croyais vraiment pouvoir exceller dans l’application de la loi.
Les premières semaines de formation des nouveaux agents se sont très bien déroulées. Il y avait des formations en salle de classe sur divers aspects des enquêtes, de psychologie, et du droit constitutionnel, ainsi que des objectifs de condition physique difficiles à atteindre et de la formation sur les armes à feu. Environ quatre semaines après le début de la formation, nous avons été initiés au champ de tir intérieur. Alors que je me tenais sur la ligne de tir, prêt à tirer sur la cible à environ 25 mètres de là, les lumières de plafond se sont éteintes. Les seules lumières allumées dans le champ de tir se trouvaient au-dessus de la cible. J’ai levé mon arme et je l’ai pointée en direction de la cible. Je ne pouvais pas voir le viseur à l’extrémité du canon ! J’ai cligné des yeux, mais rien n’a changé. Il y avait juste un flou là où le viseur devait être. J’ai tiré six coups de feu très imprécis sur la cible. Je n’arrivais pas à croire ce qui m’arrivait ! J’avais tiré efficacement sur le champ extérieur, mais mes yeux me faisaient des choses étranges dans l’éclairage tamisé du champ de tir intérieur. Mes instructeurs m’ont retiré et m’ont demandé ce qui se passait. J’ai répondu que je ne savais pas, mais j’ai été encouragé par leur volonté de travailler avec moi pour résoudre ce que nous pensions tous être un simple problème d’entraînement.
Un samedi, peu de temps après cela, j’ai emprunté à l’armurerie une « poignée rouge », une arme dont le percuteur avait été retiré, et je suis allé dans les bois pour pratiquer le tir à sec sur des cibles. C’était une journée nuageuse, et j’ai eu la même expérience que sur le champ de tir intérieur. Le viseur au bout du canon a disparu dans un flou. « Ce n’est pas possible », ai-je pensé. « Peut-être devrais-je prier à ce sujet », ai-je raisonné. Énos, le prophète du Livre de Mormon, a eu une « lutte devant Dieu » qui a abouti à la rémission de ses péchés6. Mais ce n’était pas le péché dont j’essayais de me libérer ; c’était une condition physique qui entravait sérieusement ma capacité à tirer avec précision. Ainsi, pendant des heures, j’ai erré dans les bois, tirant et priant en alternance. Les choses, cependant, ne se sont pas améliorées.
Et par chance, ma femme a donné naissance à notre quatrième enfant quelques jours plus tard, et on m’a donné la permission de rentrer pour le week-end au Connecticut, où elle séjournait avec ses parents. Alors que j’étais à Hartford, j’ai pu visiter mon ophtalmologue au sujet de mon problème sur le champ de tir. Il m’a dit qu’à cause de l’astigmatisme sévère que j’ai dans chaque œil, je ne pouvais espérer aucune amélioration de ma vision. Ma femme et moi avons discuté de nos options, qui étaient essentiellement d’essayer de tenir bon et d’espérer pouvoir me qualifier sur le champ de tir ou de démissionner du Bureau. Pendant le vol de retour vers Washington, j’ai réfléchi à ma situation et je me suis souvenu de frère Brown et de son histoire du jardinier et du groseillier. Pourquoi Dieu me faisait-il cela ? N’avais-je pas été promis que je réussirais dans la vocation de mon choix ? Pourquoi étais-je soumis à cet élagage douloureux ?
Le jour suivant, j’ai rencontré l’agent spécial qui était notre conseiller de classe et lui ai exposé ma situation. J’ai expliqué à quel point je me sentais inconfortable en portant une arme que je savais incapable de tirer précisément dans certaines conditions d’éclairage. Je ne serais pas seulement un danger pour les criminels, je serais un risque pour mes collègues agents! Ce fardeau était trop lourd pour moi. J’ai décidé de démissionner de mon poste d’agent spécial. J’ai rédigé une déclaration à cet effet et la lui ai remise. Il a dit qu’il la transmettrait au directeur de l’Académie du FBI. Je suis retourné dans ma chambre et j’ai commencé à faire mes valises.
Assis seul dans ma chambre, je me sentais en paix dans mon cœur, sachant que j’avais fait ce qu’il fallait. Je me suis rendu compte que la promesse qui m’avait été donnée dans ma bénédiction patriarcale serait honorée si je choisissais soigneusement dans la prière une profession que le Seigneur voulait que je poursuive, et non une profession que j’avais choisie simplement parce qu’elle était prestigieuse ou captivante.
Alors que je réfléchissais à l’avenir, mon conseiller est revenu et m’a demandé si j’envisagerais un poste de non-agent au Bureau. Il y avait plusieurs ouvertures à l’académie pour lesquelles je pourrais être qualifié, a-t-il expliqué. Étant donné que je n’avais rien envisagé d’autre, je lui ai dit que j’y réfléchirais. J’ai appelé Cindy et lui ai demandé ce qu’elle pensait d’un poste au Bureau. Comme elle était désireuse d’être à nouveau ensemble en famille, elle m’a conseillé d’accepter un poste si on m’en offrait un.
J’ai discuté avec plusieurs agents qui avaient des postes disponibles dans leurs départements – ou « unités », comme le Bureau les appelle – et on m’a offert un poste au Bureau de la recherche et du développement institutionnels. Il s’est avéré être une occasion précieuse de rencontrer des personnes importantes au sein du Bureau et d’acquérir de nouvelles compétences.
L’une des personnes que j’ai finalement rencontrées était le chef de l’unité de rédaction des discours du directeur au siège du FBI à Washington. Environ un an plus tard, lorsqu’il a eu une ouverture dans son unité pour un rédacteur de discours, il m’a demandé de postuler. Je l’ai fait et on m’a offert le poste.
C’était le début d’une nouvelle carrière pour moi. Quand les gens découvrent que pendant 15 ans j’ai été rédacteur de discours, non seulement pour le FBI mais plus tard pour le American Medical Association à Chicago, pour Merck (une société pharmaceutique dans le New Jersey) et pour Medtronic (une société de dispositifs médicaux à Minneapolis), ils commentent que cela a dû être un travail intéressant. C’était le cas. Mais les parties les plus intéressantes de toutes nos expériences dans ces lieux ont été les gens merveilleux que nous avons rencontrés, membres de l’Église et non-membres. Nous avons profité de nombreuses occasions de servir dans le royaume et de nous associer à certains des nobles et grands de Dieu. Ma femme et moi avons senti que le Seigneur nous a cultivés, tout comme le seigneur de la vigne dans l’allégorie de Zénos avait cultivé ses précieux oliviers. J’espère que le fruit que nous avons porté, et que nous continuons de porter, est doux et satisfaisant pour lui et pour ceux que nous servons.
Il y a près de 15 ans, j’ai subi un autre élagage lorsque mon poste au Minnesota a été restructuré et je ne faisais plus partie de cette structure. Encore une fois, c’était une période éprouvante, mais le seigneur de la vigne a répondu à nos besoins par les mains attentionnées de nos voisins et des autres membres de l’Église. Nous avons acquis de nouvelles expériences et de nouveaux talents qui nous seraient inestimables alors que Cindy et moi cherchions à réintégrer le monde du travail.
Un emploi que j’ai occupé pendant cette période de trois ans de chômage et de sous-emploi était celui de fermier des années 1850 dans une ferme d’histoire vivante gérée par la Minnesota State Historical Society. Quel travail amusant ! C’était l’agriculture comme nos ancêtres l’ont fait il y a 150 ans. Je suis sorti de ce travail avec une plus grande appréciation de ce qu’ils avaient à endurer et avec la connaissance que j’aurais pu le faire aussi.
Cela n’a pas été mon seul emploi. J’avais décidé que j’essaierais de trouver à nouveau un poste bibliothécaire, car j’aimais travailler avec des livres, des documents et des gens. J’ai donc trouvé plusieurs emplois qui m’ont aidé à acquérir de l’expérience et de nouvelles compétences avec des ordinateurs que j’avais manqués, après avoir quitté le monde des bibliothèques pendant plus de 20 ans.
Il y a près de 12 ans, j’ai été réembauché aux collections spéciales de la bibliothèque Harold B. Lee, là où j’avais commencé ma carrière des décennies auparavant. Au cours de l’entretien, j’ai ressenti un calme inhabituel, le sentiment que le Seigneur était aux commandes et que les choses se dérouleraient comme elles le devaient. C’était un témoignage pour moi que Dieu veille sur nous et nous dirige vers l’endroit où il veut que nous nous tenions.
Je peux honnêtement dire que le travail que j’ai maintenant – et j’ai eu beaucoup d’autres auxquels le comparer – est le meilleur travail que j’aie jamais eu. C’est l’endroit où je suis censé être. Je le sais maintenant. Permettez-moi de raconter une expérience qui me donne cette assurance.
Le matin du 13 octobre 2003, j’étais dans les rayons de livres dans les collections spéciales L. Tom Perry regardant une collection d’almanachs américains des dix-huitième et dix-neuvième siècles avec le professeur Madison Sowell et quelques collègues bibliothécaires. J’avais travaillé avec le docteur Sowell pour assembler des matériaux que nous pourrions exposer dans le cadre de sa prochaine conférence sur l’utilisation des almanachs comme sources de recherche. Le professeur Sowell a fouillé dans une boîte, a sorti un almanach de 1781, et l’a examiné. Il me l’a remis et a mentionné que nous devrions utiliser celui-ci, parce qu’il avait du papier à écrire entrelacé avec les pages du calendrier, ce qui a permis à l’almanach d’être utilisé comme un journal, ce qui était effectivement le cas.
En regardant les entrées, j’ai remarqué des références fréquentes à Stockbridge. « Cet homme vit dans l’ouest du Massachusetts », me suis-je dit. J’ai examiné la première feuille de papier à écrire et j’ai vu cette inscription: « Journal de mon grand-père Wm. Partridge, né en 1753. —H. W. Partridge.” J’étais choqué ! Je savais que j’avais des ancêtres Partridge qui vivaient à Pittsfield, pas loin de Stockbridge, à environ cette époque. Peut-être que c’était l’un d’eux, ou peut-être un cousin éloigné.
Je me suis excusé et suis allé à mon ordinateur, a ouvert la base de données FamilySearch, et a entré le nom William Partridge et l’année de naissance 1753. Les résultats de la recherche ont affiché des noms que je connaissais bien : le père de William, Oliver Partridge ; sa mère, Anna Williams ; sa femme, Jemima Bidwell; et un de ses fils, Edward, premier évêque de l’Église mormone, qui était mon arrière-arrière-arrière-grand-père. Au cas où vous auriez perdu le fil, cela ferait de William Partridge mon quatrième arrière-grand-père !
Mes collègues ont été étonnés de cette découverte. Après leur départ, il m’est venu à l’esprit que si nous avions pu obtenir un journal, nous pourrions peut-être en avoir plus. J’ai donc parcouru notre collection d’environ 200 almanachs. Sans surprise, il y en avait plus, à savoir 45, chacun portant les notations marginales caractéristiques de William.
Personne ne sait avec certitude comment ces journaux se sont retrouvés à BYU. Je suppose qu’ils ont été acquis il y a des décennies lorsque la bibliothèque a acheté une collection d’almanachs américains à un libraire à Denver. Quelle qu’en soit l’explication, ils ont été essentiellement perdus pour les chercheurs jusqu’à ce que le docteur Sowell en retire un d’une boîte, l’examine et me le remette. C’était bien plus qu’une simple coïncidence.
Lors de la conférence générale d’avril 1916, le président Joseph F. Smith a déclaré ceci:
Si nous pouvons voir par l’influence éclairante de l’Esprit de Dieu […] au-delà du voile qui nous sépare du monde des esprits, certainement ceux qui sont passés au-delà, peuvent voir plus clairement […] vers nous qu’il est possible pour nous de les voir. […] Je crois que nous nous mouvons […] en présence des messagers célestes et des êtres célestes. […] Nous commençons à réaliser de plus en plus pleinement, à mesure que nous nous familiarisons avec les principes de l’Evangile, […] que nous sommes étroitement liés à notre famille, à nos ancêtres, à nos amis, à nos associés et à nos compagnons d’œuvre qui nous ont précédés dans le monde des esprits. Nous ne pouvons pas les oublier ; nous ne cessons de les aimer ; nous les tenons toujours dans notre cœur, dans notre mémoire, et ainsi nous sommes associés et unis à eux par des liens que nous ne pouvons rompre, que nous ne pouvons pas dissoudre ou dont nous ne pouvons nous libérer7.
J’en suis venu à sentir qu’il y a effectivement des liens qui me rattachent à cet homme William Partridge. Il y a sept ans, il a franchi le voile et mis entre mes mains un compte rendu de ses années ici sur terre, un compte rendu qu’il avait toujours voulu que ses descendants aient.
Cette expérience n’est qu’une des nombreuses manifestations spirituelles que j’ai ressenties et qui m’amènent à croire que notre Père Céleste et son fils Jésus-Christ sont conscients de nous et nous guideront si nous écoutons le Saint Esprit. Si nous regardons, nous verrons les mains attentionnées du Jardinier de Gethsémané façonner nos vies d’une manière que nous ne pouvons pas imaginer maintenant. Je prie pour que nous cédions à cet élagage afin que nous puissions devenir la personne que Dieu voudrait que nous soyons, au nom de Jésus-Christ. Amen.
© Brigham Young University.
Russell C. Taylor était directeur du département des collections spéciales L. Tom Perry lorsqu'il a prononcé ce discours le 26 octobre 2010.